Récit de voyage de Didier, du 15 au 28 Juillet 2007
Je suis allé de Port-Louis à Hendaye cet été seul sur mon bateau. J’ai eu envie de raconter cette navigation aux membres du Club Nautique de Port Louis, histoire de partager cette expérience entre gens qui ont des préoccupations semblables. Et puis, c’est la rentrée, le moment de raconter ses vacances. PréparationL’affaire commence toujours par un choix de destination, un ou deux mois avant le départ. Cet été 2007, j’ai un créneau disponible de deux semaines en deuxième quinzaine de juillet. La question est donc : jusqu’où puis-je aller en une semaine, la deuxième étant consacrée au retour ? En tablant sur une moyenne de 5 nœuds avec 10 heures de navigation par jour, on peut s’éloigner en théorie de 350 miles en une semaine. En sortant de la rade de Lorient, sauf à vouloir faire un tout droit vers les Amériques et s’arrêter en chemin, il reste donc les possibilités de mettre le cap vers le Sud ou l’Ouest puis le Nord pour atteindre un but. Si je vais vers le Nord, c’est pour viser le Royaume Uni. Peut-être compliqué pour une première croisière aussi longue. Vers le Sud, la Rochelle serait une belle destination. Un peu court. Allez, visons l’Espagne. Vendu pour une descente de la côte atlantique en essayant d’atteindre un port espagnol. Je me fais donc en juin un programme de navigation via Belle Isle, l’île d’Yeu, Ré, Oléron et … Problème : pas d’abri sûr entre la Gironde et le Pays Basque. Les passes d’Arcachon sont décrites comme incertaines dans les guides. Tant pis, ce sera une traversée, même si le terme peut sembler impropre, directe entre Royan, port le plus au Sud avant les Landes, et Hendaye, point de visée à la frontière espagnole. Je prévois une trentaine d’heure pour cette étape de 150 miles. Je peux tenir sans dormir. Deux nuits sur deux semaines, une à l’aller et une au retour : ça passera tranquillement. Bon, il faut aussi tenir compte des aléas météo : j’intègre au programme trois escales d’une journée. Royan à l’aller et au retour pour se préparer au passage des Landes à l’aller et s’en remettre en retour, et puis une île au retour pour flâner un peu. Ré peut-être. Je sais où je vais aller et comment. L’expérience et le matériel maintenant. Je navigue depuis un an. J’ai appris à manœuvrer les voiles seul dans les Coureaux. J’ai complété cette méthode de la découverte en discutant avec des membres du club et en lisant les hors séries de Voile Magazine sur l’entretien du bateau, la sécurité, l’art de skipper un voilier, la navigation en équipage réduit, etc… Les ouvrages techniques sur les secrets du creux de la grand voile ne m’ont pas passionné et ils ne m’ont pas servi à grand chose. Et j’ai passé mon certificat restreint de radiotéléphoniste. Mon bateau, le Gourig, (Petit Dernier en breton), est un dériveur lesté GIB SEA 31. Il y en a au moins deux dans le Club, avec celui de Claudine et Alain Charpiat. Il a eu des propriétaires successifs sans doute un peu maniaques et le propriétaire actuel fait perdurer la tradition. Nous l’avons ramené de Nantes en avril 2006 avec Christian Simon. Depuis, son mouillage est au pied de la citadelle, le dernier avant la balise verte du chenal (gloups). Le moteur est un Volvo de 19 CV qui n’a que 500 heures. Je l’ai hiverné moi-même l’hiver dernier. C’est le meilleur moyen d’apprendre à connaître son moteur. Il est préférable de le découvrir au port plutôt qu’en navigation de nuit avec 40 nœuds. J’ai deux batteries de 105 ampères. L’équipement électronique est basique : une VHF, un anémomètre, un sondeur, un GPS, un speedomètre, un pilote automatique de barre franche. Je ne sais pas me servir de toutes les fonctions du GPS : je me contente de lire les coordonnées sur l’écran. Je travaille ensuite avec ma règle sur cartes papier. Simple et efficace. Il faut juste être sûr de son pilote automatique, car je navigue le plus souvent seul. J’ai fait réviser la survie l’année dernière. J’ai un ancien jeu de voile en bon état en réserve. Je reviens au GPS. Message en l’air. J’aimerais bien trouver quelqu’un qui m’explique toutes ses fonctions, mais il faudrait un bon pédagogue parce que je suis le genre de personnes qui comprend vite mais à qui … Reste à vérifier les pleins et à les compléter : gasoil, essence et huile pour l’annexe, vivres et eau de boisson pour deux semaines, eau de la vache. Le réservoir de gasoil fait 50 litres. Le moteur consomme 1,5 litre à l’heure à 2000 tours pour 5 nœuds. Ca fait plus de trente heures et une allonge d’au moins 150 miles. Ca devrait suffire. J’embarque quand même 20 litres en plus. Je charge aussi des outils, dont une scie à métaux. On ne sait jamais. Le numéro hors série de Voiles Magazine consacré à 50 fortunes de mer est assez éloquent. La descente vers Hendaye
On y est. Je largue les amarres le 15 juillet,
direction… Groix car j’ai rendez-vous à midi sur l’eau avec des amis de
Paris (je suis immatriculé en 78, aïe) qui se dirigent vers Sein depuis
Pornichet. Puis je passe la première nuit au mouillage à Locmaria, sur la
côte Est de Belle Isle. Là, il y a toujours de la place et c’est très
pittoresque : des falaises avec des oiseaux, des criques et un bon
restaurant, l’auberge Chouk’azé que j’avais testée en mai dernier. Pour
dormir au mouillage, c’est moins bon. Tant pis : le but est de raccourcir
l’étape du lendemain vers l’île d’Yeu, qui est déjà toute une aventure
pour moi. Le lundi 16 juillet, départ à 07h00. J’arrive à Port Joinville, le port principal de l’île d’Yeu à 16h00. Une bonne journée de navigation, se finissant dans le calme plat sous la pluie. Port Joinville est très bien aménagé pour la plaisance : places nombreuses et port de plaisance isolé des autres activités. Ceux qui fréquentent l’avant-port du Palais en août comprendront. En plus, la ville est sympathique et animée. Le 17 juillet, je quitte Port Joinville avec l’intention de rejoindre l’île de Ré, dont les ports à accès contraint me laissent songeur. Il faudra arriver en tenant compte des marées. La mer est peu agitée. A propos, avez-vous remarqué que dans « peu agité », il y a le mot « agité » ? Bref, je navigue sous le soleil, mais en ciré. J’ai Ré en vue dans l’après-midi, la météo est bonne. Pour cette fois, mon but est de faire des miles, pas de faire des escales de 15h00 à 10h00. Allez, je décide de continuer et de mettre le cap sur Royan. Je regarde défiler Ré puis Oléron. Le nombre de voiliers sur l’eau commence à baisser. Tiens, Emmanuel, une idée de question à poser lors d’un prochain rallye du CNPL : où se trouve l’anse de l’Aiguillon ?
Première navigation de nuit, vers Royan. Temps
calme, je suis passé au moteur. Ca me rassure de savoir qu’une partie de
l’énergie consommée par le pilote se reconstitue avec l’alternateur. Il
faudrait quand même que j’apprenne à comptabiliser mon potentiel
électrique et mes dépenses d’énergie sur le bateau.
Pour entrer dans l’estuaire de la Gironde, il
faut faire plus des trois quarts du tour du phare de la Courbe. J’ai le
temps de le voir. Comme les côtés du phare sont identiques de nuit, j’ai
l’impression de ne pas avancer. Les indications nautiques mettent en garde
contre les bancs de sable à l’entrée de l’estuaire. Une fois dans le long
chenal qui mène vers la Palmyre, la donne change. Au milieu de nombreux
bateaux de pêche, je devine que la houle enfle dans le chenal. Le bateau
monte et descend au fur et à mesure que les vagues le doublent. Peu avant
l’aube, le mercredi 18 juillet, j’abaisse la grand voile devant Royan. Je
n’arrive pas à discerner l’entrée du port, mais je me fie aux bateaux qui
commencent à sortir. A Royan, il y a un ponton d’accueil. |
Le Gourig à Royan La dune du Pyla |
Je quitte le port de Royan le vendredi 20 juillet matin. Direction la côte landaise par la passe Sud de la sortie de la Gironde. Vue magnifique sur le phare de Cordouan. Je sors du chenal en même temps qu’un catamaran de Nantes. Il disparaîtra lentement à l’horizon devant moi. Je croiserai deux ou trois voiliers au cours de cette journée jusqu’à la nuit qui tombe à la sortie du bassin d’Arcachon sur la dune du Pyla. Là, j’aperçois deux voiliers qui sortent en direction de l’Espagne. C’est tout. Une côte sans abris et sans bateaux. Il y des endroits où deux bateaux, c’est beaucoup. Après ces quelques jours, j’arrive à régler les voiles pour que le bateau garde bien son cap sous pilote. Dans les vagues, il change de cap pour monter et descendre, mais il se remet bien tout seul dans le bon axe. Moments de grand plaisir où le bateau donne le sentiment de se diriger tout seul.
Lorsque le jour se lève le samedi, je suis à
un trentaine de miles d’Hendaye . L’arrivée sera plus longue que prévue.
Je commence à apercevoir des éclairs sur un large front devant moi. Les
Pyrénées apparaissent au loin derrière ce rideau. Cela aurait été trop
facile. Je stoppe. J’attends. Un orage. Le vent souffle de bâbord, mais
les orages viennent de tribord. Un deuxième nuage orageux. Le ciel a une
couleur métallique gris bleu. Je décide de passer entre deux zones
orageuses. Les montagnes se précisent. J’aperçois Biarritz,
Saint-Jean-de-Luz. Hendaye est au fond d’une petite baie. Par l’embouchure
de la Bidassoa, canalisée, on rejoint le port de plaisance. Je m’amarre le
samedi à 13 heures. Repos. |
Les Pyrénnées La passe d'accès à Cap Breton par temps calme : la barre d’Etel en moins large La Bidassoa marque la frontière avec l’Espagne : je suis content. J’en suis à la moitié de mon périple. Je pense à la suite et aux deux options possibles : option 1, faire escale dans un port espagnol et remonter depuis ce port vers Royan, ou option 2, remonter depuis Hendaye, ce qui serait moins original. Je verrai demain. |
|